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vivre l'amor fati, est-ce faire la volonté de Dieu ?
Posté : sam. oct. 29, 2011 2:06 pm
par viator
Volonté divine est une expression qui prête à confusion : il n'y a pas dualité entre un état d'être et une volonté qui viserait un autre état d'être, dualité entre ce qui est et ce qui devrait être, dualité que résoudrait, que résorberait l'acte d'une volonté. "Volonté de Dieu" est simplement l'expression du devenir du monde. Pour parler un peu comme Theillard de Chardin, disons que cette volonté divine s'exerce au c?ur même de la matière, y compris au c?ur de mes cellules nerveuses. Volonté de Dieu ? mais on pourrait aussi bien dire, avec Héraclite : jeu d'un enfant? Il n'y a pas un "Je" divin qui commande, ni un "je" humain, ou un être mondain qui obéit. Il y a juste en moi, on non, dualité entre ce qui est et ce que je voudrais qui soit. Et lorsque ce que je veux se confond avec ce qui est, le "je" disparaît.
Re: vivre l'amor fati, est-ce faire la volonté de Dieu ?
Posté : sam. oct. 29, 2011 6:50 pm
par marion
merci, cher Viator, pour ce beau sujet.
Mais il me semble que tu viens d'écrire sur la volonté de Dieu, sans expliciter ce que signifie "vivre l'amor fati".
Re: vivre l'amor fati, est-ce faire la volonté de Dieu ?
Posté : mer. nov. 02, 2011 4:55 pm
par viator
Oui, tu as raison chère Marion, je ne l'avais mentionné que dans le titre, ce qui est tout de même un peu court... Vivre l'amor fati, c'est exactement la même chose que ce que certains mystiques nomment "faire Volonté de Dieu", quand on précise bien le sens de cette expression. Car Dieu, au sens strict, ne "veut" rien, bien entendu !
Re: vivre l'amor fati, est-ce faire la volonté de Dieu ?
Posté : dim. nov. 06, 2011 5:42 pm
par Mélusine
Dualité, acceptation, non dualité.....
Chaque expérience de vie peut être vécue comme une dualité, un combat, un arrachement., une perte...
Chaque arrachement, si nous en voyons le sens, est une expérience du divin.
Jung donne cette définition:" Dieu est quelque chose qui nous contrecarre. En nous mêmes, nous nous heurtons contre le Dieu intérieur.
Et çà fait toute la différence si nous changeons notre attitude, si nous disons oui à l'arrachement, au lieu de nous débattre.
Alors se révèle un sens tout à fait différent de ces expériences de vie, soumises à quelque chose de plus grand à l'intérieur de nous mêmes.
Dire oui, c'est aussi accepter notre participation à un ordre divin,
nous ne subissons pas une volonté divine, nous participons à ....
Re: vivre l'amor fati, est-ce faire la volonté de Dieu ?
Posté : mer. nov. 09, 2011 8:59 pm
par marion
Je souhaiterais prendre un exemple.
Lorsque je fais la rencontre totalement improbable, dans la rue, d'un homme que j'ai beaucoup aimé et que la vie a mis d'autres fois sur mon chemin, de façon tout aussi surprenante, que faire de l'évènement ?
A priori, je vis cela comme un mystère incompréhensible, comme le jeu d'un enfant façon Héraclite (je cite Viator), dont je n'ai pas le mode d'emploi. Si je suis dans l'amor fati, en quoi cela change-t-il ma perception ?
Re: vivre l'amor fati, est-ce faire la volonté de Dieu ?
Posté : ven. nov. 11, 2011 8:14 am
par viator
Oui, c'est un bon exemple, chère Marion. Dans ce cas précis, l'amor fati serait, me semble-t-il, de ne pas trop chercher à savoir si cette suite de rencontres est provoquée par de hasardeuses coïncidences, par un destin capricieux, ou s'il s'agit d'un signe de Dieu. L'amor fati consiste simplement à accueillir ce qui m'est donné. Dans cet accueil, au cours duquel le "mental" se libère, n'est plus enfermé en lui-même pour trouver je ne sais quelle explication, où il s'ouvre et se vide, tout est alors donné, et ce qui est ainsi donné est parfait. Lorsque j'adopte cette attitude, il arrive assez souvent que du sens me soit donné, par surcroît. Mais jamais un sens qui s'adresserait au "mental", ou à la pensée ordinaire, un sens qui pourrait être pour eux comme une nourriture. Ce sens est bien plutôt pour notre conscience affective, il se ressent plus qu'il ne se conçoit, il nous contente et nous comble plus qu'il ne satisfait notre intelligence rationnelle. C'est un sens que comprend, sans jamais pouvoir l'exprimer, l'intelligence du c?ur... Or celle-ci ne peut s'épanouir que dans le silence de la pensée.
J'aime cette idée de Jung que tu évoques, chère Mélusine, selon laquelle Dieu est ce qui nous contrecarre. C'est dans cet empêchement même en effet, dans cette résistance qui travaille en nous, dans cette friction intérieure que la lumière se fait. Accueillir le "non", et il se résorbera bientôt ? mais avec cette transformation : la conscience est plus ouverte, plus apaisée aussi, qu'avant l'apparition puis la fusion de ce "non". Progressivement, je vois chaque événement prendre sa place dans l'ensemble de ce qui est, et le tout comme éclairé par du sens ? sens toutefois impossible à déchiffrer...
Re: vivre l'amor fati, est-ce faire la volonté de Dieu ?
Posté : ven. nov. 11, 2011 10:06 pm
par marion
Ta réponse, cher Viator, est effectivement audible par ma "conscience affective".
Par contre, mon intelligence rationnelle se cabre quand tu écris que le sens est impossible à déchiffrer. Faut-il comprendre que notre vie est dépourvue de sens, ce qui est difficile à admettre, ou bien qu'elle a un sens qui nous échappera toujours ? Pas beaucoup plus facile à accueillir...
Re: vivre l'amor fati, est-ce faire la volonté de Dieu ?
Posté : dim. nov. 13, 2011 8:39 am
par viator
Notre vie n'est certes pas dépourvue de sens, chère Marion, mais ce sens est impossible à déchiffrer, ou à traduire de manière rationnelle. Il ne peut faire l'objet d'aucun discours explicatif ? plus précisément, aucun discours, aucun concept, aucun logos ne l'épuisera. Mais s'il échappe à notre intelligence rationnelle, il peut être profondément ressenti... Cela est très logique : cette intelligence recherche le sens par elle-même, ou en elle-même, dans les méandres de son "mental" ; elle ne peut donc y découvrir que ce qui y était déjà contenu. Or le sens ne vient jamais du passé, de la mémoire, mais toujours de ce qui vient, de ce qui est donné. C'est pourquoi je suggère d'accueillir le sens et non de l'élaborer, de le recevoir et non de le concevoir. Dans ce domaine comme dans quelques autres, il faut cesser de chercher pour trouver, ce qu'avait très bien compris Picasso ! ("je ne cherche pas, je trouve", disait-il en effet). Lorsque je suis ainsi en état d'accueillir le sens, ce qui m'est donné comble toujours mon intelligence rationnelle, même lorsque ce qui m'est donné est rien. C'est comme si elle se mettait en retrait, occupait sa vraie place, et apprenait à savourer et à digérer ces merveilleuses petites choses qu'elle avalait naguère sans même les goûter vraiment...
Re: vivre l'amor fati, est-ce faire la volonté de Dieu ?
Posté : dim. nov. 13, 2011 12:28 pm
par viator
Il faut cesser de chercher, disais-je. Il ne s'agit pas non plus de s'endormir. Juste être attentif, accueillant, disponible...