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le lys des champs
Posté : mar. oct. 16, 2012 10:18 am
par viator
"...Cette sorte d'homme de foi ne se demande pas s'il parviendra à atteindre le but qu'il vise - ni même si ce but existe. Il ne sait rien à son sujet, ne se le représente pas. Il sent simplement que celui-ci le met en mouvement", dit cette carte du F. Telle est la foi du voyageur.
N'était-ce pas de cette foi-là que les plus inspirés des disciples de Jésus étaient habités ? Une confiance en ce que, jour après jour, leur apporte la vie (ou Dieu), mais sans recherche, ni espoir de quelque chose de précis : le Royaume des Cieux est ici-même, en ce moment même, "au milieu de vous". Donne nous aujourd'hui "notre pain de ce jour". Dans la traduction de la Vulgate, Saint Jérôme écrit : panem nostrum supersubstantialem, "notre pain supersubstanciel". Le pain donné aujourd'hui est en effet une nourriture absolue, mais ne nourrira plus demain, car "il sera infecté de vers et puera" (Exode, 16, 20). Cette foi est en somme celle du lys des champs, qui ne travaille ni ne file, qui ne garde rien dans ses greniers, mais qui est plus magnifiquement vêtu que Salomon dans toute sa gloire... Le lys ne se soucie pas du lendemain ; simplement, à chaque moment de son existence, il est en mouvement vers le plus grand épanouissement possible de son être.
Re: le lys des champs
Posté : sam. oct. 27, 2012 8:36 pm
par marion
je trouve très beau cet idéal de l'homme de foi et l'image du lys des champs, cher Viator.
Pour pratiquer cet art de vivre au quotidien, il faut cependant avoir vaincu la peur de manquer commune à beaucoup d'humains, peur entretenue savamment par ailleurs par notre société de consommation.
Re: le lys des champs
Posté : mer. oct. 31, 2012 10:20 am
par viator
Pour vivre aussi confiant que le lys des champs de l'Évangile, il faut avoir vaincu la peur, en effet chère Marion, et pour vaincre la peur, il faut s'installer dans l'ouverture et la confiance en la Vie... La foi chasse la peur, mais la peur empêche la foi... Par quel bout sortir de ce dilemme, et comment entrer dans le cercle vertueux de l'insouciance et de la confiance ?
Voici précisément l'une de ces questions dont les réponses qu'on cherche à leur apporter ne font que fortifier et faire grossir ? ces éternelles insatiables, qui demandent toujours plus de réponses, ou des réponses toujours plus savantes, plus recherchées... Comment entrer dans le cercle ? Poser la question suffit ; se placer, ne serait-ce qu'un instant, devant la question ? et la réponse a déjà commencé de vivre en soi. Non pas tant une réponse d'ailleurs, qui réduirait la question au silence ; ce serait plutôt comme si la question, sans disparaître le moins du monde, changeait de goût, ou de couleur. La question, en s'incorporant, se met à se transformer, à s'approfondir, cesse d'apparaître comme un problème pour se manifester bientôt comme un étonnement, un émerveillement. Comment entrer dans le cercle ? Si cette question est venue à toi (peu importe comment...), et si tu y fais face, si tu la poses avec toute ton âme, alors déjà la peur s'est éloignée, et l'innocence, presque imperceptiblement, est déjà en train de palpiter doucement dans ton c?ur. "Il faut avoir vaincu la peur" : si tu évoques cette éventualité, chère Marion, si tu peux parler de ta peur comme d'un "quelque chose" à vaincre, alors, déjà, tu as commencé de la combattre, c'est-à-dire de te rendre compte qu'elle est sans objet, donc sans existence ? c'est-à-dire de la vaincre. "Il faut avoir vaincu la peur" ? mais en disant cela, en l'éprouvant au fond de ton être, tu l'as déjà vaincue ! Comment entrer dans le cercle ? D'un point de vue rationnel, la question est insoluble. Mais d'un point de vue existentiel, elle se résout au moment même où elle est formulée. Pour le dire encore autrement : poser la question de savoir comment vaincre la peur pour être habité par la foi, et si cette question est posée avec ton c?ur, alors c'est déjà le commencement la foi ? et la fin de la peur. Peux-tu expérimenter cela ?
Re: le lys des champs
Posté : dim. nov. 04, 2012 10:34 pm
par marion
Bien sûr, cher Viator, il m'arrive parfois d'oublier la peur et d'éprouver une confiance en la Vie, une gratitude pour tout ce qui m'est offert.
A d'autres moments, le doute revient, la peur de manquer, de vieillir, de passer à côté de ma vie et toutes sortes d'autres pensées qui contrarient ma foi.
Re: le lys des champs
Posté : mer. nov. 07, 2012 6:31 am
par viator
Oui, tu as tout à fait raison, chère Marion, de pointer ces va-et-vient, ces désespérantes alternances d'ombre et de clarté qui semblent devoir nous poursuivre tout au long de la vie. Il ne s'agit, certes, que de vagues qui agitent la surface, mais lorsqu'on est pris dans la tourmente, eh bien oui, on finit pas avoir le mal de mer...
Dans l'absolu, c'est-à-dire en réalité, il n'y a jamais de manque, ni d'imperfection. Cela sans doute le sais-tu, du moins le reconnais-tu à certains moments, mais tu ne le sens pas toujours. J'ai bien connu tout cela, ces grands yoyos de la vie, et ne prétends d'ailleurs pas être à l'abri de les sentir encore ? "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" : ces paroles du Christ lors de son agonie devraient au moins nous inciter à une certaine modestie à cet égard... Comment dépasser ce doute, et s'installer durablement dans la vérité ? Comment plonger, sous le tumulte des vagues, dans la grande paix de l'océan ? Cela se fait, en dehors de ? et même malgré ! ? tout ce que l'on peut faire ou ressentir. Il n'y a donc rien à faire ? Il n'y a rien à faire de plus que ce que je fais, que ce qui est fait, à savoir, dans ce cas précis, poser la question ? car, disais-je, la réponse est dans la question même, dans le fait même de la poser. Pour tenter une explication logique de cette "conversion" (et qui aura pour seul avantage de calmer le mental, afin qu'il cesse enfin d'entraver l'inéluctable processus) : ton "centre magnétique", pour utiliser ce terme très suggestif de Gurdjieff, ce centre qui, pour reprendre notre image, t'attire sous le tumulte des vagues, te fait faire exactement ce qu'il y a à faire. Tu poses la question, celle de l'angoisse de vieillir par exemple : alors vois cette angoisse, prends le temps de la laisser descendre et de la digérer, laisse-toi délicatement emporter hors des assauts contradictoires et désordonnés de la vague et rejoins le fond, quelque part dans le bas-ventre ? il n'y a rien d'autre à faire. Bientôt, l'angoisse disparaîtra. Pas forcément d'un seul coup ; progressivement cependant, elle finira par s'éteindre. La réponse jaillira alors, mais ce ne sera pas une réponse pour le mental, réponse toujours extérieure à ton être profond ; ce sera une intime certitude : vieillir est un processus qui ne nous diminue en rien, qui ne fait qu'ôter tout ce qui est inessentiel, tout ce qui nous encombre. Et rien ne rate jamais.
Les vagues, elles aussi, font partie de l'océan, les doutes et les découragements font partie de la joie. Tu es sur le bon chemin, chère Marion, tout va bien...
Re: le lys des champs
Posté : ven. nov. 09, 2012 10:11 am
par marion
merci, cher Viator, pour cette belle réponse, qui calme mon mental et touche mon coeur?