l'écoute
Re: l'écoute
En ce qui concerne l'écoute de la musique, quelque chose reste un mystère pour moi : c'est le fait qu'on ne puisse "entendre" un morceau qu'après plusieurs écoutes, qu'on n'"entende" une mélodie qu'après l'avoir déjà mémorisée... Je dis cela un peu au hasard, je n'y ai pas vraiment réfléchi, mais j'imagine que même pour l'écoute innocente qui est celle de l'enfant, la surprise de la première écoute, où chaque son succédant l'un à l'autre est une découverte et où l'essentiel se joue dans le décalage d'une note à l'autre, n'est pas de la même nature que la perception d'une mélodie déjà connue où une bonne part du plaisir se joue dans l'attente, la retrouvaille d'un chemin sonore déjà tracé, et déjà suivi... Je crois me souvenir qu'il y a un passage intéressant à ce sujet dans la Nausée de Sartre, qui évoque l'audition d'un morceau de Jazz par Roquentin...
Re: l'écoute
Il est vrai que l?attente du déjà connu est d?une saveur autre que celle de la découverte du nouveau. Mais l?écoute véritable est une disposition telle que le ?déjà connu? a cependant toujours un goût nouveau. Enfin, je te l'accorde, on peut tout de même finir par se lasser du même disque... Ce n'est cependant jamais le cas lorsque la musique a été écrite dans la lumière de la proximité avec le divin (Bach, Mozart, ou tels maîtres du shakuhachi japonais, du qin chinois ou du ney persan...) : elle est proprement inépuisable, et c'est pourquoi on y découvre encore du nouveau à la millième écoute...
L?écoute de l?environnement, par contre, n?est jamais écoute du déjà rencontré.
L?écoute de l?environnement, par contre, n?est jamais écoute du déjà rencontré.
Re: l'écoute
Tu dis que lorsqu'on écoute l'environnement, on n'écoute jamais du déjà rencontré. Et pourtant, il me semble probable que, comme tu l'indiquais pour l'attitude de nombre d'entre nous avec la musique, nous ne faisons souvent que reconnaître et juger/réagir... Quand passait un bruit désagréable (moto, tondeuse... ) que nous reconnaissons et classons instantanément, une amie musicienne avait l'habitude de trouver la note et de la chanter... bon plan, non ? Et là, on est certes plus proche d'une véritable écoute...
Re: l'écoute
A propos de l'écoute...
oui elle peut être différente selon que l'on connait ou pas l'oeuvre.
C'est la notion de temps et d'espace qui change, je pense, du moins, comment on se situe dans ce temps et cet espace qu'est la musique (ou notre vie?)
Nous attendons en effet avec un plaisir anticipé une modulation, une mélodie. nous nous projetons alors dans le futur, un court instant, et quittons l'instant présent, ici et maintenant.
Et si on ne connait pas l'oeuvre, il nous est impossible d'anticiper ce plaisir, mais parfois nous l'imaginons, nous nous interrogeons sur le sens à venir, les modulations futures, et nous quittons encore l'instant présent...
La même chose en peinture.
Si l'on peint ou dessine, la relation avec le temps, le regard, la pensée, peut se transformer.
Il est possible de perdre tout sens de l'urgence et ne plus songer alors qu'à coïncider de tout son être avec l'exact rapport qui préside à l'arrivée des choses au sein de ce même temps....
Une contemplation sans doute, sans analyse....
l'analyse peut arriver après, éventuellement?
oui elle peut être différente selon que l'on connait ou pas l'oeuvre.
C'est la notion de temps et d'espace qui change, je pense, du moins, comment on se situe dans ce temps et cet espace qu'est la musique (ou notre vie?)
Nous attendons en effet avec un plaisir anticipé une modulation, une mélodie. nous nous projetons alors dans le futur, un court instant, et quittons l'instant présent, ici et maintenant.
Et si on ne connait pas l'oeuvre, il nous est impossible d'anticiper ce plaisir, mais parfois nous l'imaginons, nous nous interrogeons sur le sens à venir, les modulations futures, et nous quittons encore l'instant présent...
La même chose en peinture.
Si l'on peint ou dessine, la relation avec le temps, le regard, la pensée, peut se transformer.
Il est possible de perdre tout sens de l'urgence et ne plus songer alors qu'à coïncider de tout son être avec l'exact rapport qui préside à l'arrivée des choses au sein de ce même temps....
Une contemplation sans doute, sans analyse....
l'analyse peut arriver après, éventuellement?
Re: l'écoute
Tu évoques, chère Mélusine, certaines expériences d'anticipation qu'on retrouve notamment lorsqu'on réécoute une pièce de musique, ou lorsqu'on écoute une pièce inconnue auparavant mais qui se déploie dans un cadre connu (le cadre tonal, par exemple, à telle époque de l'histoire de la musique). Il s'agit d'un autre rapport au temps en effet, dans la mesure où le moment présent semble s'élargir, comme si on était en présence, non seulement de ce qui est là, mais aussi de ce qui vient, et qui ne peut manquer d'arriver. Il ne s'agit pas ici d'analyse, mais d'intuition, de contemplation de l'être pris dans le flux vivant de son devenir.
Re: l'écoute
Quant à ta remarque, cher Erhem : je parlais d?écoute de l'environnement, et non pas de cette pseudo écoute qui jacasse par dessus ce qui vient aux oreilles. On peut d?ailleurs jacasser ainsi de manière savante, comme le mélomane ou le critique d?art, on peut plaquer des schémas mentaux plus subtils encore (?c?est un si bémol?). Chanter avec la musique du monde est bien sûr une très belle chose, mais ?trouver la note? est encore nommer, faire intervenir le mental. La véritable écoute ne nomme rien : elle court-circuite le mental.
Re: l'écoute
Dans ce que j'évoquais, il ne s'agissait pas de penser "c'est un si bémol", mais plutôt de se mettre au diapason, de se mettre à l'unisson. Je me souviens avoir vu et écouté un jour une chorale... et j'avais trouvé qu'au moment où les interprètes chantaient, je les trouvais tous beaux... je m'étais dit que la concentration sur le chant, sa difficulté, effaçaient peut-être toutes les souffrances, toutes les angoisses, tout ce que nous refoulons mais que les traits de notre visage reflètent inévitablement ...
Re: l'écoute
Si c?est bien de cela qu?il s?agit, alors nous sommes d?accord, évidemment. Il y a les notes que l?on chante ou que l?on joue sur l'instrument après les avoir déchiffrées, et ?l'interprétation? qui transcende le tout... Mais tu me disais : ?trouver la note?, et cela me revoyait à des tics de musiciens qui ne peuvent s?empêcher d?entendre, non plus des sons, mais des hauteurs de notes, de solfier tout ce qu?ils entendent.
Re: l'écoute
Tout cela ne signifie pas, chère Mélusine, que l'analyse de la musique soit illégitime, si on n'en fait pas autre chose qu'une sorte de jeu, que le déploiement d'une activité cérébrale gratuite, sans autre finalité que cette activité elle-même. Dans ce cas, il s'agit toujours d'écoute, mais à un autre niveau : l'écoute de l'activité de l'intellect. Il n'y a cependant rien à découvrir derrière cette activité, et surtout pas je ne sais quelle vérité, quelle profondeur de la musique. Cette activité cérébrale est-elle compatible avec l'écoute contemplative, et peut-elle s'articuler harmonieusement avec elle ? Cela peut arriver : on analyse alors pour mieux entendre, ou pour entendre autrement, ou autre chose. Mais c'est loin d'être toujours le cas !Mélusine a écrit : l'analyse peut arriver après, éventuellement?