Il y a deux sortes de questions : les superficielles et les profondes. Une question superficielle a tendance à monter : elle s’élève vers sa réponse, et finit toujours, plus ou moins rapidement, par y parvenir — c’est d’ailleurs un critère pour la reconnaître. À mesure qu’elle monte, la question superficielle se rétrécit. Lorsqu’elle atteint sa pointe, elle se fige, et disparaît.
Une question profonde a tendance à descendre : elle s’éloigne toujours plus de sa réponse, de toute idée de réponse. À mesure qu’elle descend, la question profonde s’élargit — de plus en plus profond, de plus en plus large. Elle atteint bientôt le fond commun de toutes les questions. Et ce fond est sans fond.
Lorsque le voyageur rencontre une question, qu’il ne cherche pas à s’élever vers une réponse : qu’il s’enfonce plutôt dans la question. Et qu’il abandonne toutes celles qui ne le lui permettent pas. C’est la seule manière d’augmenter son savoir. Il lui arrivera peut-être, au sein de l’obscurité qui l’entoure, de découvrir une réponse — voire, simplement, de parvenir à formuler clairement la question : c’est le signe qu’il se sera trompé de direction. À partir d’une certaine profondeur, les mots sont toujours trop lents, viennent toujours trop tard… Quelles qu’elles soient, laisser ces réponses aux trop légers, aux inconsistants, à ceux qui ne s’alimentent que de mets prédigérés. Quant au voyageur, qu’il se retourne sur place et redescende, aussi bas qu’il le peut.
Tout au fond, la question est comme une lumière, diffuse et tranquille, qui éclaire toutes choses.